Le
blog de Mauricette
Cela
fait déjà deux mois que Claudio et moi sommes arrivés au
Pérou.
A
Cuzco, la majestueuse Plaza de Armas nous attire.
D'abord surprise par le flot incessant de voitures qui
klaxonnent à tout va, dans les rues, je retrouve les petits
collectivos de 15 places entassant 25 ou 30 passagers
et l'appréhension d'être bousculée.
L'avenue de la Culture que nous traversons est bouillonnante
de vie; des écoliers, collégiens, étudiants, tous en
uniforme, rient, courent, téléphones portables à la main
qu'ils rechargent dans la rue à des femmes en blouse verte
pour 5 ou 6 soles....
Des
mamitas qui ont une popote sur le trottoir passent à
travers les grilles des établissements scolaires des petits
plats pour les plus affamés des élèves.
La
Plaza
de Armas
est le haut lieu pour les touristes du monde entier veillée
par la statue du dernier Inca. ...Et, là, petits cireur de
chaussures, vendeurs de bijoux à la sauvette, marchands de
feuilles peintes, campesinas proposant bonnets et
écharpes pour survivre dans cette ville, jouent au chat et à
la souris avec la police qui veut les chasser.
Chaque
dimanche matin, le peuple est nourri par la patrie: défilés
militaires, levée du drapeau de Cuzco aux couleurs arc en
ciel, du drapeau du Pérou sous le chant de l'hymne national,
défilé des écoliers, collégiens et professeurs au pas de
l'oie.
Les
représentants de l'armée, de l'Eglise, les politiques sont
là ensemble présents, piliers de ce peuple de 29 millions
d'habitants aux multiples visages:
Blanco,
Criollo européen né au Pérou,
Mestizo,
Chollo amérindien urbanisé,
Zamba afro péruvien,
Indio indien .
Dans
la cathédrale et les églises édifiées sur les bases des
palais incas, des groupes de visiteurs
bruyants s'engouffrent .Tout près, presque dans ses flancs,
une petite chapelle silencieuse s'ouvre aux personnes
natives, policiers en coupure, touristes en quête de.....
pour quelques minutes ou un long temps de recueillement.
Le
quartier San Blas quadrillé de ruelles aux gros pavés
luisants, aux maisons blanches et ventrues est animé. C'est
le quartier des échoppes et des ateliers d'artistes tels
Mendevil (peinture ou sculpture de femmes au long cou de
lama), d’orfèvres, de sculpteurs, de peintres héritiers de
la fameuse école de Cuzco. .. De la jolie petite
plazoleta de San Blas, où il fait bon flâner, un beau
panorama s'offre sur la ville aux toits de tuiles rousses.
C'est
avec les campesinos indios que nous vivons les temps
de fête dans le village de Combapata à 2 heures de Cuzco et
dans le district de Checacupe. Nous regardons, écoutons,
questionnons quand ces hommes et ces femmes parlent le "castellano"
si différent de leur langue quechua. Nous essayons de
comprendre leurs coutumes, leur tradition.
Je
suis interpellée par leur rapport au temps, par leur trois
mondes symbolisés par le serpent, le puma et le condor, ces
mondes d'en bas, du milieu et d'en haut que représente si
bien le peintre Florentino.
Où est
cette pierre d'achoppement entre nos deux cultures?
Sommes-nous dans un même espace-temps?
Comment transposer nos désirs de les aider concrètement dans
leur réalité quotidienne?
Le 1er
Novembre, c'est la fête des Vivants. Dans les villes et
villages, les familles se retrouvent, mangent le lechon
(cochon de lait) et le tamal (semoule enveloppée
dans la feuille de maïs).
Le 2/11, les défunts sont à l'honneur. Le cimetière de Cuzco
est rempli de familles joyeuses, ornant les niches tombales
de fleurs colorées. Des musiciens chantent aux morts leurs
chansons préférées; un prêtre catholique les bénit sur
demande de la famille.
Avec
Pepe, à Cullcuire, nous allons visiter la femme de
Leonardo décédée l'an dernier au cimetière du village. Nous
buvons la chicha avec les siens. Un prêtre inca vient
prier. La vie, pour eux, ne s'arrête pas à la mort
charnelle. Ils intercèdent les "apus" dans leur
travail quotidien....
Les
pubs, à la télé, nous présentent des mannequins très
"blancs" aux maisons étincelantes, valorisant le rôle de la
femme ménagère, s'accomplissant comme parfaite maîtresse de
maison.
Quel
décalage - avec ces femmes que nous avons visité dans le
campo travaillant prioritairement aux champs, à l'élevage
des cochons d'inde, s'usant à aller chercher le bois,
l'herbe avant de remonter au village,
- avec ces femmes descendues à
Cuzco, mangeant auprès de leur petit étal, sur le trottoir,
leur" petit "roulé dans un vieux pull, près d'elle.
- avec Rosa dont nous avons
partagé la maison pendant trois jours dans le village isolé
de Thumi où elle a choisi de rester malgré sa souffrance de
l'éloignement de ses enfants partis étudier à la ville. .
Levée
dès l'aube, ici à 5 heures 30 pour préparer le repas du
matin, soutenant sa veille maman courbée en deux, elle
travaille sans relâche, descendant au "pasto" couper
le fourrage pour les cochons d'inde qui permettront à sa
famille de vivre si le contrat de travail temporaire de
Sergio, son époux, parti à Cuzco, n'était pas renouvelé.
Le samedi soir, la nuit tombée, elle marchera au devant de
son mari que le bus a laissé à quelques kilomètres. Le
dimanche matin, à l'aube, il partira travailler aux champs
dans la montagne, puis ira aider sa femme couper l'herbe
auprès du lac et porter sur son dos une part de cette
charge si lourde. Il est temps pour lui d'aller à Combapata
acheter le sac de riz de 25 kilos, aliment de base autant
utilisé que les pommes de terre.
Après un rapide repas debout, l'heure est venue de reprendre
le bus pour Cuzco où il retrouvera ses enfants collégiens et
son travail de maçon.
Rosa sera seule à nouveau pour les travaux quotidiens, s
inquiétant de son mari et de ses enfants qui s'éloignent peu
à peu de leur "tierra" où la vie est si rude.
Mauricette
Le blog de Claudio
Avec Yaneth , la prof de la wawawasi (jardin d'enfants) à
Palccoyo.
Cette
femme, qui travaille seulement sous contrat, n'est pas
nommée, tient impeccablement une aula (classe de
petits de 3 à 5 ans) dans des conditions difficiles.
Toutes
les semaines, elle descend à pied de la comunidad, 2 heures
de marche, car elle a peur de descendre à moto - elle en
sait les dangers - pour essayer d'avoir un transport pour
Sicuani où est sa famille - au moins 1h30 de bus quand tout
se passe bien sur les pistes.
Elle
n'entrevoit son mari et ses enfants que quelques heures le
week-end -c'est un gros sacrifice, mais pour payer les
études , il faut qu'elle travaille aussi -comme la plupart
des femmes maintenant car la vie devient trop chère.
Pour avoir des fournitures scolaires, du matériel, elle paie
avec ses propres deniers, qui sont faibles, le transport
depuis les réserves du ministère, sinon c'est distribué
ailleurs- ou pas-
Elle a
appris le Quechua auprès des enfants de Chinchero - environ
à 4 heures de chez elle, quand elle avait obtenu un contrat
là-bas. Elle écrivait minutieusement tous les mots nouveaux
sur un cahier.
Le
matin, quand nous sommes arrivés, il n'y avait que 3 enfants
dans la classe, elle était partie chercher les petits chez
eux pour qu'ils ne restent pas oisifs près de leurs mamans
débordées par les tâches quotidiennes.
Les
petits profitent d'un programme d'aide alimentaire du
gouvernement. Sur 11, 6 étaient anémiés, 5 étaient
limite.....
D'où
l'intérêt des fitotoldos (serres) et des
biohuertos familiares (jardins potagers bio familiaux ),
que nous tentons de mettre en place pour leur assurer une
consommation de légumes variés. Mais la comunidad est
isolée à 4200m d’altitude, avec une piste difficile et les
traditions sont là. Il se consomme beaucoup plus de papas
que de quinoa ou de ccanawa, car les
pommes de terre qui remplissent le ventre, mais ne sont pas
riches, assurent une production annuelle, alors que la
culture de la quinoa qui est riche en protéine, ne donne pas
toutes les années de bons rendements - il faut diversifier
les variétés.
Il
faut beaucoup de temps pour que les habitudes - entre autres
alimentaires -changent. Nous nous en rendons compte surtout
pour notre petit déjeuner quand on nous propose par exemple
une soupe aux tripes, excellente, les petits pains beurre ou
la confiture manquent quelque part.....
C'est
auprès des enfants et des mères qu'on doit agir. C'est
pourquoi dans l'introduction de nouveaux modes de culture et
d'alimentation on essaie d'impliquer les écoles avec les
profs et les parents d'élèves, et aussi les responsables de
comunidad. C'est un travail de longue haleine
nécessitant un suivi.
Il y a
des gens qui entendent bien la problématique et qui sont
volontaires, espérons qu'ils seront porteurs pour les années
à venir....
Claudio
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