Moïses, Royer,
Orlando et
Ifraïm
sont des jeunes gens issus
de familles paysannes très pauvres, originaires de la région d'Andahuaylas
où le docteur Rueda a travaillé pendant plus de dix ans. Ils ont la
chance d'être hébergés par le docteur Pepe dans sa maison de Cusco,
ce qui constitue un rare privilège offert à peu d'"élus". Une
vingtaine en quinze ans, tout au plus ! Ce privilège se
mérite, que ce soit pour l'étudiant lui même qui doit être
sérieux, ordonné et sociable, ou pour sa famille qui doit être très
méritante. Voici donc quatre "cas" de familles péruviennes
exemplaires et de jeunes garçons bien décidés à se forger un
meilleur avenir:
Moises VERGARA
PECEROS
Moïses (17 ans)
La famille de
Moïses est une famille éclatée. Le papa (58 ans) vit à Andahuaylas,
la capitale de la Province, et la maman (55 ans) habite le village
de San Antonio de Cuchi , à quelques kilomètres.
Moïses a une grande
soeur Cecilia (31 ans), un demi frère Hector (27 ans) et deux demi
soeurs Liliana (25 ans) et Cecilia (15 ans) qui vivent avec leur
père. Moïses, quant à lui, vit avec sa maman.
Son père a fait des
études supérieures et travaille pour le Ministère de l'Agriculture.
Sa mère n'a pas dépassé la cinquième année d'école primaire et est
agricultrice.
Celle-ci cultive
une parcelle de terre située dans le district de Huancabamba, à deux
heures de marche de la maison. Elle s'y rend trois fois par semaine
et Moïses avec elle, lorsqu'il est chez lui.
La production
destinée à la vente se compose de maïs, de pommes de terre et
d'avoine. Le maïs se récolte en janvier, les pommes de terre en mai
et l'avoine en août.
A cela s'ajoute une
petite récolte de fèves, de blé, de quinoa, de haricots et de
pois secs destinés à la consommation familiale.
Voici ce que vend la
maman de Moïses et le revenu qu'elle en retire:
- 600 à 700 "arobas" (1 aroba = 11,5 kg) par an, vendus 2,5
soles l'aroba, soit 1500 à 1600 soles par an.
- 50 arobas de maïs à 13 soles, soit 650 soles par an.
- 100 arobas d'avoine à 4 soles, soit 400 soles
Au global, le revenu
annuel de la maman de Moïses ne dépasse pas 2700 soles, soit 225
soles par mois. Ces ressources servent, notamment, à acheter
les produits alimentaires de base, dont voici une petite liste avec
les prix:
Huile |
4,5 à 5 soles / litre |
Sucre |
2,5 soles / kg |
Sel |
0,6 sol / kg |
Riz |
2,5 à 3 soles / kg |
Pâtes |
3,2 soles / kg |
Farine |
? |
Thon |
1,5 à 2 soles / boite |
Banane |
0,2 sol l'unité |
Papaye |
0,8 sol l'unité |
Orange |
0,2 sol l'unité |
Avocat |
0,5 sol l'unité |
La maman élève un cochon et cinquante cochons d'inde (cuyes) qu'elle
prépare pour les fêtes ou pour les visiteurs. (à titre indicatif, un
"cuyi est vendu 3 à 4 soles vivant et 10 soles tout préparé).
En juin 2005,
Moïses préparait l'examen d'entrée à l'université de Cusco. Plus
la date fatidique approchait plus il "stressait", car l'échec
signifiait le retour à la maison et le travail au champ,
perspective qui n'enchante aucun jeune issu de la campagne qui a
goûté aux lumières de la ville.
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Royer HURTADO CCORAHUA
Royer (23 ans)
La famille de Royer
vit à Rio Passaje, dans le
district de Pacobamba, province d'Andahuaylas, département
d'Apurimac, à 12 heures de bus de Cusco (au Pérou, on compte en
heures de voyage plutôt qu'en kilomètres).
|
Département
d'Apurimac |
Le papa a 54 ans et
la maman 52. Ils ont eu 9 enfants, 4 garçons et 5 filles. Les voici
présentés par ordre décroissant d'âge:
n |
Filio(35 ans) vit a Lima et
travaille dans une usine de détergents. |
n |
Soledad (32 ans) est
cultivatrice dans la vallée de l'Urubamba. Elle a une
fille. |
n |
Naïda (30 ans) est employée de
maison à Lima. Elle attend un bébé. |
n
|
Gladys (28 ans) travaille dans
une fabrique de tuiles à Pinipampa. Elle a un garçon. |
n
|
Maria Salome(27 ans) vit à
Arequipa. Elle a deux garçons. |
n
|
Edu (26 ans) étudie à
Andahuaylas et travaille pour payer ses études. |
n
|
Royer (23 ans) étudie à
l'Université de Cusco. |
n
|
Ruth (21 ans) étudie la
comptabilité à l'Université Andine, à Cusco. |
n
|
Carlos Alberto (15 ans) va au
collège |
La famille vit sur
la propriété des grands-parents. Celle-ci comprend 8 hectares, mais
comme le père de Royer avait 6 frères et soeurs qui se sont partagés
la terre, celui-ci a récupéré un hectare et demi autour de la
maison. Un peu plus loin, il cultive une autre parcelle (on dit une
"chakra") d'un demi hectare. Le reste de l'exploitation est
constitué par une parcelle de 2 à 3 hectares située à 3500m
d'altitude, qui ne peut être atteinte que par une marche de 20
kilomètres sur les flancs pentus de la montagne ou un parcours de 60
kilomètres en contournant la Cordillère. Il faut une journée pour
monter directement à la parcelle, aussi le père et Royer, lorsqu'il
est chez lui, restent-ils travailler au champ plusieurs jours
consécutifs. La descente ne demande que quelques heures, en courant!
|
La maison est
située à 1200 m d'altitude, aux confins de l'Amazonie où poussent
les arbres fruitiers. On y récolte des bananes, des avocats,
des pastèques, du melon, des tomates et de la canne à sucre.
La famille produit aussi des mangues, du Yuca et du "Camote" qu'elle
vend au marché d'Aguadiente, deux fois par an. Elle en tire un
revenu d'environ 1200 soles (300 euros) par an.
|
Sur les terres
d'altitude, la famille produit des pommes de terre, du maïs, du "olluco",
du quinoa (1 fois /an) et du blé. Cette production sert
essentiellement à nourrir la famille et seule une petite part
est vendue, représentant 600 soles (150 euros) par an.
L'ensemble des revenus de la
famille n'excède donc pas 1800 soles (450 euros) par an,
soit 150 soles (37,5 euros) par mois. |
Il est évident
qu'avec de tels revenus la famille ne peut pas payer les études des
enfants. Ceux qui ont voulu poursuivre leurs études ont dû
travailler pour cela. Royer est venu à Cusco en 1999, à 17 ans, et a
travaillé pendant trois ans et demi dans une pizzeria. La première
année, il gagnait 180 soles (45 euros) par mois ce qui lui
permettait tout juste de subvenir à ses besoins, car la vie à Cusco
(tout est relatif !) est très chère. Plus tard il a gagné 380
soles, ce qui était beaucoup mieux. Il est entré à l'Université en
août 2004 et ce n'est qu'à ce moment qu'il a été hébergé par le
docteur Pepe.
A
l'Université, Royer étudie les Mathématiques. Il voudrait
devenir "ingénieur civil" pour construire, dit-il, des routes
et des maisons. Mais comme il est passionné d'automobile, il
s'imagine aussi parfois dans un "atelier de mécanique".
Le sien ? non, bien sûr, car il n'en a pas les moyens...
Quand on l'interroge sur ses qualités, il se dit honnête,
studieux et travailleur. |
|
Et ses
défauts? Grande sensibilité, passivité et manque de décision.
De l'extérieur, Royer est plutôt beau garçon (ce qui pourrait
lui jouer des tours), athlétique, souriant, chaleureux,
serviable avec ses camarades et rapidement ému quand on
le fait parler de sa famille. A l'intérieur, c'est un être
sensible qui rêve d'Europe et de grands horizons... |
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Orlando OLIVARES
RIVERA
Orlando (21 ans)
La famille d'Orlando habite la
communauté de Chaccammarca, dans le district de Talavera,
Province d'Andahuaylas, département d'Apurimac. Le village est
situé à 2000 mètres d'altitude.
|
Les districts de la Province d'Andahuaylas |
l
Chaccamarca
|
|
Le papa a 45 ans et la
maman 40. Ils ont 6 enfants, 2 filles et 4 garçons, qui ont
respectivement:
n |
Orlando: 21 ans |
n |
Javier: 19 ans |
n |
Teodosio: 17 ans |
n
|
Delia: 15 ans |
n
|
Norma: 13 ans |
n
|
Juan Jose: 11 ans |
Orlando étudie à Cusco et
Javier à Lima, où il travaille pour payer ses études.
Les autres frères et soeurs vont encore au collège.
Le père d'Orlando exerce trois
activités: agriculteur, fabricant de tuiles et transporteur.
La fabrication
de tuiles est l'activité principale. ll l'exerce, ainsi que le
transport, en compagnie de son frère, l'oncle d'Orlando.
Voici quelques
données chiffrées sur la production et la vente des tuiles:
- le prix de vente est de 200 soles les mille
- la "fournée" est de 15000 tuiles et se
prépare sur une période d'environ deux mois.
- le chiffre d'affaires correspondant est donc de 3000 soles, d'où
il faut défalquer les frais pour avoir le résultat net.
- les frais à engager sont les suivants:
l
matière première (argile et
fibres): 600 à 700 soles par "fournée" de 15000 tuiles
l
main d'oeuvre pour fabriquer les
tuiles: 700 soles pour une fournée
l
location et chargement du four: 800 soles pour une fournée
- le bénéfice résiduel est de 800 à 1000 soles, qu'ils se partagent
à deux. |
On peut en déduire un revenu mensuel de 200 à 250 soles
par famille.
Le transport est une activité
secondaire, qu'ils exercent cependant 5 ou 6
heures par jour. Il s'agit de transporter des matériaux de
construction, dont les tuiles qu'ils fabriquent, sur des petits
parcours, de 2 à 5 kms, entre Talavera, Andahuaylas et San
Geronimo. Voici quelques données indicatives sur cette
activité:
- les deux hommes effectuent environ 4 transports par jour, mais
l'activité n'est pas régulière.
- un transport est payé au maximum 30 soles
- le chiffre d'affaire mensuel est de 700 à 800 soles par mois.
- de ce chiffre il faut déduire des frais, mais Orlando n'a pas une notion
précise du bénéfice retiré.
La famille possède:
- 1 vache, qui produit 6 à 8 litres de lait par jour
- 1 porc
- 2 béliers
- 40 cuyes
- 25 poules
- 10 lapins
Elle produit des pommes de terre, du maïs, de la luzerne, du "olluco"
et du "oca", pour sa consommation et celle des animaux. Une
partie de la récolte est vendue et rapporte 200 à 300 soles (75
euros) par an.
Toutes activités confondues, la famille d'Orlando doit disposer
d'un revenu mensuel d'environ 400 soles (100 euros). Pour le Pérou, c'est
un niveau plutôt élevé.
Orlando étudie les mathématiques à
l'Université de Cusco. Il voudrait embrasser une carrière
technique, pourquoi pas dans le domaine automobile.
Ses qualités ?
Honnêteté, responsabilité et solidarité. Ses défauts? Timidité,
réserve et parfois, dit-il, un certain manque d'intérêt. Mais
comme il songe aussi à créer une "académie avec trois autres
camarades, on peut penser qu'il ne manque pas de volonté et
d'esprit d'entreprise. |
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Ifraïm RODAS
GUIZADO
Ifraïm (21 ans)
Ifraîm est l'ainé
d'une famille de 8 enfants. Ses frères et soeurs ont respective-ment:
n |
Angelica : 19 ans |
n |
Mauro: 17 ans |
n |
Julian: 15 ans |
n
|
Nelly: 13 ans |
n
|
Abel: 11 ans |
n
|
Froilan: 9 ans |
n
|
Alex: 7 ans |
A part Ifraïm et
Angelica, qui poursuivent des études, les six autres enfants
vivent encore chez leurs parents. La maman a 41 ans et le papa 43.
Il exerce une double activité: cultivateur et fabriquant de
briques. La maman, bien sûr, aide aux travaux agricoles.
La famille possède
2 vaches (qui procurent 4 litres de lait par jour) , 2 cochons, 2
moutons et 30 cochons d'Inde (qu'on appelle "cuyes" ou "cuyis" au
Pérou et qui représentent un mets de choix qu'on offre aux invités).
Elle produit des pommes de terre (mais pas assez pour couvrir les
besoins annuels), du maïs et de la luzerne qu'elle vend sur le
marché. Elle achète des légumes et le complément de pommes de
terre dont elle a besoin pour se nourrir (12 kgs par semaine
de janvier à août).
Quelques données
économiques sur la production des tuiles:
Les tuiles
sont vendues 200 soles (50 euros) les mille.
Pour couvrir une maison, il faut compter 10000 tuiles, soit
2000 soles.
Une "fournée" représente 13000 tuiles et il faut 2 mois, à
plusieurs, pour fabriquer cette quantité.
Le chiffre d'affaires correspondant est de 2600 soles, mais il
faut bien sûr déduire la matière première et la main d'oeuvre
pour avoir une idée du résultat net.
Les fibres que l'on mélange à l'argile pour fabriquer les
tuiles coûtent 700 soles par fournée de 13000 tuiles.
Les ouvriers (peones) qui aident le père d'Ifraïm coûtent aussi 700 soles pour
fabriquer chaque fournée.
A cela s'ajoute les coûts de transport et d'utilisation du
four.
Quand on fait le bilan, il doit rester 600 à 700 soles de
résultat net pour un travail de deux mois. |
Cette double
activité procure, au final, à la famille un revenu mensuel de 400
soles (100 euros), ce qui est la même chose que la famille
d'Orlando.
On voit que les
familles qui exercent d'autres activités que celle d'agriculteur en
tirent un meilleur revenu, ce qui est logique. Mais toutes,
apparemment, ne peuvent pas le faire...
Pour ses études,
Angelica dépense 250 soles par mois. Elle travaille pour gagner 150
soles par mois et ses parents lui donnent 100 soles sur les 400
qu'ils gagnent eux-mêmes.
Ifraïm a la chance
d'être hébergé par le docteur Pepe. Sinon, il devrait débourser 70 à
80 soles par mois pour se loger. Son budget d'étudiant se répartit comme suit:
- frais d'inscription à l'université: 50 soles par mois
- livres: 6 soles par mois
- photocopies: 8 soles par mois
- repas à la cantine de l'Université: 22 soles par mois
- repas à la maison: 20 soles par mois
- Internet: on n'a pas su quelle était la dépense (sans doute aux environs
de 10 soles par mois), mais c'est le seul "luxe" de ses étudiants
qui adorent "chater" avec les copains et les copines.
Le total frise déjà les 120 soles par mois et l'on imagine que ce
sont les parents qui payent.
Ifraïm a choisi
d'étudier les mathématiques, l'informatique et l'anglais. C'est un
jeune homme un peu timide, mais extrèmement sérieux. Il est le seul
parmi ses camarades de "chambrée" à avoir participé au défilé des
étudiants, pour la fête du Soleil (Inti Raymi), à Cusco.
|
Il avait fière allure dans ce costume un peu trop grand pour
lui, prêté par le frère de Pepe, car il n'en possède
naturellement pas. Heureusement que le dévoué Royer savait
coudre... |
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